Quand il regarde par la fenêtre de son domicile, dans le quartier d'Al-Malki, le repaire de l'élite damascène, Bachar Al-Assad peut toujours contempler un semblant de normalité. Le ballet des grosses cylindrées devant les boutiques de luxe, où la nomenklatura prorégime vient se ravitailler en fromages français et iPad minis, le console de ses tournées sur le front, dans les ruines de Daraya, au sud de Damas, ou de Baba Amr, à Homs. En contrebas, vers la place des Omeyyades, la masse imposante du quartier général de l'armée, le principal pilier de son pouvoir, qui a résisté à deux ans et demi de combats et de défections, le rassure sur sa capacité à tenir bon.
Qu'importe que la guerre fasse rage à quelques kilomètres plus à l'est, dans le quartier de Jobar, le point le plus avancé de la progression des rebelles dans Damas ; ou que des obus de mortier tombent de temps à autre sur Malki, comme au mois d'août, où l'un d'eux a explosé non loin de son convoi. Bachar Al-Assad et son épouse, Asma, continuent de se comporter comme si le pays leur appartenait, comme si le cataclysme qui s'est abattu sur celui-ci – 110 000 morts, 2 millions de réfugiés et 5 millions de déplacés – n'avait rien, ou presque, changé, en tout cas rien d'irrémédiable