Un budget de l'Etat n'est pas une motion de parti. C'est un acte politique fort aux effets économiques lourds. Il n'est pas inutile cependant de mettre la même habileté à concevoir un projet de loi de finances qu'à rédiger un texte de congrès. Il faut surtout s'assurer de sa pertinence par rapport aux objectifs recherchés.
L'habileté ? Avec ce projet de loi de finances 2013, "un budget de combat" marqué par "l'effort le plus important jamais demandé depuis trente ans", François Hollande montre qu'il n'en manque pas. La rigueur, il l'assume, une "rigueur de gauche" néanmoins. Le candidat Hollande s'était engagé à réduire de 4,5 % du PIB en 2012 à 3 % en 2013 le déficit de l'Etat – pour aller à l'équilibre en 2017. Malgré une croissance plus faible que prévu et les décisions impopulaires qu'elle implique, il tient sa promesse. Les économistes, même ceux qui lui sont proches, ont beau douter de la possibilité de parvenir à 3 %, il devait s'y tenir, question de crédibilité. C'était indispensable. Il n'invoque, pour cela, ni l'Europe ni les marchés financiers, mais la nécessité – pour que la France conserve sa souveraineté et retrouve des marges de manœuvre. Tout cela est courageux.
Cet effort exceptionnel demandé aux Français, le chef de l'Etat l'a ensuite voulu réparti équitablement. Le coup de massue fiscal annoncé pour 2013 frappe effectivement en priorité les familles les plus aisées et les plus grandes entreprises. Il sera cependant difficile de convaincre les Français que les classes moyennes sont épargnées. Elles ont déjà été touchées par les mesures de cet été – la fin des heures supplémentaires défiscalisées, par exemple. Plusieurs dispositifs du budget 2013 les concernent directement. Elles craignent enfin quelques prélèvements nouveaux, sur les retraites notamment.
Politiquement habile, ce premier budget du quinquennat Hollande sera-t-il économiquement efficace ? La rigueur va peser sur la croissance. Tout dépend du cocktail utilisé. Et là, le dosage suscite naturellement le débat. L'Espagne, la Grèce et l'Italie ont davantage coupé dans leurs dépenses publiques. La France privilégie aujourd'hui les hausses d'impôts – alors même que le poids des prélèvements obligatoires y est déjà élevé. Ces hausses risquent de freiner lourdement l'investissement.
Pour éviter que l'austérité budgétaire ne plonge la France dans le cercle vicieux de la dépression, elle doit donc être accompagnée de réformes qui viennent soutenir l'activité. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé, jeudi soir sur France 2, la volonté de l'exécutif de provoquer par ailleurs un véritable "choc de compétitivité" dans le pays. Le budget 2013 n'y contribue pas vraiment. Les réformes promises sur le marché du travail et le financement de la protection sociale seront à cet égard décisives. Le choc budgétaire d'aujourd'hui n'a de sens que s'il est complété rapidement par un puissant choc de compétitivité. Pour provoquer l'électrochoc dont la France a besoin.