Manuscrit C Folio 29 Verso.
ne pas la blesser, ensuite il fallait relever ses manches (encore d'une certaine manière), puis j'étais libre de m'en aller. Avec ses pauvres mains estropiées elle arrangeait son pain dans son godet, comme elle pouvait. Je m'en aperçus bientôt et, chaque soir, je ne la quittai qu'après lui avoir encore rendu ce petit service. Comme elle ne me l'avait pas demandé, elle fut très touchée de mon attention et ce fut par ce moyen que je n'avais pas cherché exprès, que je gagnai tout à fait ses bonnes grâces et surtout (je l'ai su plus tard) parce que, après avoir coupé son pain, je lui faisais avant de m'en aller mon plus beau sourire. Ma Mère bien-aimée, peut-être êtes-vous étonnée que je vous écrive ce petit acte de charité, passé depuis si longtemps. Ah ! si je l'ai fait c'est que je sens qu'il me faut chanter, à cause de lui, les miséricordes du Seigneur, Il a daigné m'en laisser le souvenir, comme un parfum qui me porte à pratiquer la charité. (Ps 89,2) Je me souviens parfois de certains détails qui sont pour mon âme comme une brise printanière. En voici un qui se présente à ma mémoire : Un soir d'hiver j'accomplissais comme d'habitude mon petit office, il faisait froid, il faisait nuit... tout à coup j'entendis dans le lointain le son harmonieux d'un instrument de musique, alors je me représentai un salon bien éclairé, tout brillant de dorures, des jeunes filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je soutenais ; au lieu d'une mélodie j'entendais de temps en temps ses gémissements plaintifs, au lieu de dorures,