Cheick Modibo Diarra, 60 ans, est depuis le 17 avril, le premier ministre du gouvernement malien de transition instauré après le retrait de la junte militaire. Il revient de New York où, en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, il a formellement demandé à l'ONU une intervention militaire internationale afin de reconquérir le Nord du Mali contrôlé depuis six mois par des groupes islamistes armés.
Comment comptez-vous rétablir la souveraineté du Mali ?
Cheick Modibo Diarra : Nous avons défini une stratégie en cinq points. Il faut, dès maintenant, commencer à sécuriser les grandes villes du Mali. Si vous regardez le
modus operandi des terroristes qui occupent le Nord du Mali, ce sont des gens qui dès que vous les contrariez, commettent des actes de violences dans des zones peuplées. Il faut donc faire en sorte qu'il n'y ait pas d'infiltration, ni multiplication de cellules dormantes.
La deuxième étape, accomplie à New York, est de solliciter formellement l'aide de notre organisation sous régionale, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest [Cédéao], de l'Union africaine [UA], de l'Union européenne [UE] et de nos amis comme la France et les Etats- Unis et de transmettre au Conseil de sécurité notre requête d'intervention militaire internationale sous le chapitre 7 de la charte des Nations unies. Une fois votée, la résolution donnera une légitimité à tous ceux qui veulent et qui peuvent nous accompagner dans la libération du nord.
La phase deux se poursuivra avec des rencontres du gouvernement pour mobiliser toute la communauté internationale afin de voir qui veut participer, et comment, à la libération du nord. La troisième phase consiste, avec nos partenaires, à structurer et à solidifier l'armée malienne qui doit être le fer de lance de cette affaire.
Ces phases n'ont pas besoin d'être séquentielles. Elles peuvent se dérouler en même temps. La quatrième phase est de reconquérir le nord. Puis, enfin, il faudra sécuriser les régions libérées de façon durable.
Quel est votre calendrier ?
J'espère que les débats
[sur la résolution] vont commencer au Conseil de sécurité dès la semaine prochaine afin qu'elle soit adoptée avant la mi-octobre. Chaque jour qui passe, nous avons davantage de mutilations, d'amputations, de viols, d'actes de barbarie dans le nord de notre pays. Le plus rapidement la résolution sera adoptée, le mieux ce sera. Et je suis convaincu que dès que nous aurons une résolution la plupart de ces malfrats et bandits essaierons de s'échapper avant même que les choses sérieuses commencent. Seuls les plus endurcis resteront.
Quand espérez-vous que la Cédéao enverra le contingent de 3 300 hommes qu'elle a promis de déployer au Mali ?
Une fois la résolution votée, on pourra immédiatement demander à la Cédao de déployer des troupes qui nous aideraient à sécuriser la ligne de séparation entre le nord et le sud. Parce qu'à ce moment là, juste après le vote, les belligérants du nord et les narcotrafiquants vont se dire
" le Mali ne sera jamais plus aussi faibles, bientôt des soldats vont venir renforcer notre armée donc si nous voulons vraiment lui nuire, c'est le moment où jamais ". Il faut donc que la force de la Cédéao soit prête pour un déploiement presque immédiat dès l'adoption de la résolution.
Hillary Clinton a estimé que "seul un gouvernement démocratiquement élu aura la légitimité pour parvenir à une résolution négociée au Nord Mali et mettre un terme à la rébellion". N'est-ce pas le signe que les Etats-Unis sont opposés à une intervention internationale ?
Des élections... Quelle serait la légitimité d'un président élu dans un pays qui ne peut pas faire voter tous ses citoyens ? Je ne pense pas que les Etats-Unis bloqueront la résolution au conseil de sécurité de l'ONU
Ils veulent participer au règlement de la situation dans le Sahel. Mais leur législation leur interdit de collaborer avec des gens arrivés au pouvoir après un coup d'Etat, jusqu'à de nouvelles élections. Je ne pense pas que le désir des USA soit de faire perdurer la souffrance et le risque de globalisation des problèmes dans le Sahel. C'est juste une façon de nous dire ne pas prolonger inutilement la transition. Les Etats-Unis nous ont toujours demandé d'organiser, le plus rapidement possible, des élections crédibles. Ce message nous l'avons compris.
Si la résolution est votée en octobre, quand les forces de la Cédéao pourront-elles se déployer ?
On pourrait immédiatement demander à la Cédao de se déployer pour nous aider à sécuriser la ligne de séparation entre le nord et le sud. Parce qu'une fois que la résolution sera adoptée les belligérants du nord et les narcotrafiquants vont se dire
"le Mali ne sera plus jamais aussi faible, des soldats vont venir le renforcer donc si nous voulons vraiment lui nuire c'est le moment où jamais". La force en attente de la Cédéao peut donc être invitée à renforcer les Maliens qui patrouillent dans cette zone et ainsi nous accorder un peu de tranquillité d'esprit pour préparer les autres phases. Donc j'inviterai la Cédéao à se déployer presque immédiatement après l'adoption de la résolution. Même si ce n'est pas toute la force.
Une fois la résolution adoptée, une stratégie consensuelle pourra être dégagée entre tous les participants. Mais sans attendre, il faudra renforcer la ligne de séparation pour que le problème ne gagne pas en complexité à cause des infiltrations ou des tentatives pour casser cette ligne.
Sur quels pays comptez-vous ?
La question du Mali ne concerne pas seulement la Cédéao, mais toute la communauté internationale. Le Mali et la Cédéao joueront un rôle-clé mais il faut aussi inviter des pays du champ, tels que l'Algérie et la Mauritanie dont la participation est incontournable, des amis, comme le Maroc ou le Tchad. Bref, tous ceux qui pourraient venir nous aider à contenir le problème à une zone très restreinte en attendant que la communauté internationale – France, Etats-Unis, Grande-Bretagne notamment – apprête sa force d'intervention pour faire un travail
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